Nicolas Vandersleyen
Follow me
image_pdfTélécharger en PDFimage_printImprimer cet article

Depuis le début de l’ère automobile, les ingénieurs n’ont cessé d’apporter des améliorations aux véhicules automobiles pour les rendre plus sûre, performant, confortable etc. A tel point que parfois on peut se demander comment des SUV et 4X4 tels que les Jaguar et Land Rover arrivent à avoir une telle motricité et une telle performance sur n’importe quel type de surface. Il y a, bien sûr, beaucoup de systèmes à l’heure actuelle qui entrent en compte pour maintenir la voiture sur la bonne trajectoire, éviter le patinage et diriger au mieux le couple moteur sur les 4 roues. Un de ces système est notamment le blocage partiel ou total à gestion 100% électronique du différentiel arrière de ces véhicules. Notons que le système présenté ici est propre à Jaguar – Land Rover et présente une certaine efficacité mais que d’autres constructeurs proposent aussi des systèmes similaires ou ayant le même but.

Alors tout d’abord, il faut bien savoir que les SUV Jaguar – Land Rover (JLR) sont munis de 3 différentiels : un avant, un central et un arrière (or Discovery sport, Range Rover Evoque, Jaguar E-pace et F-pace ou il n’y a que l’avant et l’arrière, le central étant remplacé par des embrayages multidisques). D’ailleurs, rappelons que le but d’un différentiel est de transmettre un couple (ici venant du moteur et passant par la/les boite(s) de vitesse) à 90° vers deux éléments différents (ex : les 2 roues d’un même essieu). Ce dispositif permet également de transmettre du couple en laissant chaque roue parcourir la distance « qu’elle souhaite » lorsque l’on tourne (chaque roue parcourant une distance différente). Le petit bémol est que lorsqu’une de ces 2 roues perd de l’adhérence, tout le couple est automatiquement envoyé dessus par facilité et l’autre s’arrête de tourner. Voilà pourquoi il existe une multitude de systèmes pour pallier ce problème et optimiser la traction. C’est notamment le cas de celui présenté ici, qui allie traction et virage en même temps !

Pour commencer, il faut bien savoir que ce différentiel arrière à gestion électronique JLR n’est présent que sur les modèles : Range Rover Velar, Range Rover sport, Range Rover, Discovery, new Defender et Jaguar F-Pace. De plus, sur ces modèles, il n’est pas installé d’origine avec toutes les motorisations. En règle générale, les petites motorisations (2l essence/ diesel) ainsi que certaines versions du V6 diesel se voient offrir ce dispositif sous option. Une fois que l’on passe sur les versions les plus puissantes ou les mieux équipées (comme notre dernier Jaguar F-Pace 5.0l V8 essayé -> https://auto4x4enroueslibres.com/2020/03/25/jaguar-f-pace-svr-un-vrombissement-a-couper-le-souffle/), ce dispositif est monté obligatoirement dessus pour maintenir le bolide sur la bonne voie ou pour pouvoir s’aventurer plus aisément hors de la route.

Attention que ce système a le même but qu’un « traction control » mais est beaucoup plus efficace et radicalement différent de par sa conception. En effet, une fois qu’une roue patine, le traction control agit sur le frein de celle-ci de façon à obliger la roue opposée à tourner. Le différentiel, grâce à sa gestion électronique sait prédire qu’il va y avoir une perte d’adhérence suivant les demandes du conducteurs (couple / accélération). Il agit donc préventivement. De plus, il n’agit pas sur les freins mais bien mécaniquement et oblige les 2 roues à tourner (à la même vitesse ou non selon les besoins). Cela en fait donc un système plus pointu que le traction control simple. 

Schéma de l’emplacement du différentiel arrière et de ses composants

Attaquons-nous maintenant au fonctionnement de ce différentiel particulier. Tout d’abord, sa conception générale est la même qu’un différentiel classique avec 4 satellites. A cela viennent se rajouter un ensemble d’embrayages multidisques, un moteur électrique DC (courant continu) 12V avec réducteur mécanique allié à un capteur de température et un capteur de température d’huile. Les embrayages multidisques sont solidaires du planétaire gauche du différentiel et relié à celui-ci via des cannelures internes. De l’autre côté, ils sont fixés à la couronne du différentiel de façon permanente et reliés au moteur électrique via une butée axiale (qui peut parcourir un mouvement axial mais qui ne peut pas tourner).

ImageL’image complète représente le différentiel arrière JLR
1Moteur électrique + réducteur
2Embrayages multidisques
3Différentiel (plus précisément la flèche pointe un satellite)
BleuButée du moteur électrique agissant sur les embrayages
RougeLiaison des embrayages avec la couronne du différentiel
VertLiaison des embrayages avec le planétaire gauche
OrangePignon planétaire gauche (circonférence de denture extérieure) relié à l’arbre de roue (circonférence de denture intérieure)

Il est à noter que JLR a décidé de n’agir que d’un seul côté du différentiel pour le bloquer mais il aurait été possible de mettre un 2e embrayage multidisques sur le planétaire droit.

Le système ainsi monté fonctionne de la manière suivante :

  • Différentiel ouvert : les embrayages multidisques sont totalement relâchés, le moteur électrique n’exerce aucune pression sur la butée. Les satellites peuvent tourner comme ils le souhaitent. Cette phase est utilisée à très basse vitesse pour se parquer ou effectuer des virages serrés. Si une roue se met à patiner malgré que le véhicule tourne, nous basculerons en mode semi – ouvert.
  • Différentiel semi-ouvert : Le moteur électrique exerce une pression plus ou moins forte sur la butée selon les conditions de fonctionnement du véhicule (angle de braquage, vitesse, perte d’adhérence, mode de conduite sélectionné, demandes du conducteur etc). Les embrayages multidisques solidarisent donc plus ou moins le pignon planétaire gauche avec la couronne du différentiel pour limiter le « glissement » au sein du différentiel, autrement dit la rotation des satellites. Ainsi, il est possible d’avoir un faible glissement avec une bonne traction vu que ce dernier se gère au niveau des embrayages multidisques via la commande de la position du moteur électrique. Ce mode de fonctionnement apparait sur l’écran central des Land Rover dans le « 4X4i » et permet de distinguer le pourcentage de blocage du différentiel (fonctionne avec des paliers 1/3 bloqué, 2/3 bloqué, 3/3 bloqué). Sur les Jaguar, le conducteur n’a pas accès à ces informations et ne peut pas connaître l’état de blocage de son différentiel.
  • Différentiel bloqué à 100% : Les embrayages multidisques sont collés les uns les autres au maximum et solidarisent ainsi le planétaire gauche et la couronne du différentiel sans aucun glissement. Les satellites ne savent plus tourner. Ce mode est utilisé lorsque la traction est primordiale et que le véhicule ne tourne pas ou qu’il patine, par exemple, lors de fortes accélérations ou lorsqu’une roue perd de l’adhérence dans la boue, sur la neige, la pluie ou autre.
Flèches rouges = Serrage des embrayages multidisques = augmentation du couple -> meilleure motricité, moins de patinage mais virages plus complexes

Au niveau du fonctionnement électrique de ce système, le boitier électronique gérant ce différentiel se trouve dans l’aile arrière gauche du véhicule. Il est relié au module de commande de transmission, au module de commande moteur, au module de carrosserie, au module ABS et au module de commande châssis via un CAN bus haute vitesse pour la transmission de toutes les informations le plus rapidement possible. S’ajoute à cela :  

  • Le capteur de position du moteur électrique du différentiel pour connaître la position exacte de ce dernier et ainsi être sûr du couple de serrage des embrayages multidisques,
  • Le capteur de température du moteur électrique pour éviter qu’il ne grille en cas de surchauffe
  • Le capteur de température d’huile du différentiel pour éviter une surchauffe de celle-ci et ainsi rester dans une plage où les propriétés de l’huile sont optimales.

Grâce à toutes ces informations, le module de commande du moteur électrique du différentiel est en mesure d’appliquer le couple optimal de serrage sur les embrayages multidisques et ainsi avoir une tenue de route optimale du véhicule quel que soient les circonstances.  

Pour conclure, nous pouvons remarquer que ce système de blocage électronique du différentiel arrière nécessite tout de même pas mal d’équipements ainsi qu’une gestion de pointe pour que son utilisation soit optimale. Voilà pourquoi on ne le retrouve pas sur les petites motorisations JLR ni sur des voitures de gamme inférieure. Malgré tout, lorsque ce système est monté sur un JLR, il est très facile et très rapide de s’en apercevoir étant donné son efficacité redoutable en toutes circonstances et sur tout type de terrain.

Nicolas Vandersleyen

image_pdfTélécharger en PDFimage_printImprimer cet article
Envoi
User Review
0 (0 votes)

2 Comments

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Auto4X4 en roues libres

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading